Je « retourne travailler », après un peu plus de deux semaines de vacances. Pile comme les écoliers. En réalité, je reste chez moi. Le lundi, c’est « remote office » day pour moi. Les échanges en anglais et allemand – rarement en français – vont reprendre avec des collègues et clients qui veulent que je règle urgemment leurs problèmes et vont se substituer à des contacts beaucoup plus agréables avec amis et famille.
Depuis hier, le fameux « spleen du dimanche soir » si bien décrit par Baudelaire reprend. Je n’ai pas encore recommencé que cette sensation pénible d’abattement, d’esclavage me reprend. Une angoisse me revient, qui a commencé il y a des mois avec l’annonce du départ du chef, suivie rapidement après de celle de son remplaçant qui n’avait pas été retenu pour lui succéder. Sur une équipe de quatre individus dont une assistante à 60%, qui effectuaient tous des tâches complémentaires, ça fait beaucoup. C’est la deuxième fois que je vis ce genre d’évènements dans mon entreprise, mais à l’époque, j’avais déjà plusieurs années dans ma position et nous faisions tous le même travail. Alors évidemment, sur le papier nos collègues allemands sont là pour nous aider, mais ils sont apparemment aussi déjà bien occupés et surtout ne gèrent que du tout venant. L’ancien chef de team, qui devrait être remplacé dans trois mois, reste aussi là en support, mais on ose tout de même moins le déranger…
Et là, je ressens – physiquement – une grosse mollesse. L’envie de ne pas avancer. De ne pas me connecter. De ne pas savoir. De ne pas voir les courriels de gens qui demandent pourquoi ils n’ont pas encore reçu de réponse. J’aimerais plutôt être paralysé. Qu’on me remarque et me tire de là.
Car oui, je déprime dans ce bureau à domicile que tout le monde admire, voire envie. Depuis que je suis père, je le vis comme une assignation à résidence. Si je sors de la pièce, mon fils de trois ans ne me laissera plus repartir. Et là, deux jours par semaine, je dois rester pour qu’il ne mange pas seul à midi. Enfin, comme s’il mangeait ! Oui, car la pause de midi, c’est manger les trucs créatifs déjà froids que ma compagne a préparés, prendre une heure à faire manger le petit qui ne veut pas. Souvent il a déjà eu un petit encas une demi-heure avant. Ou il s’est brûlé car ma compagne lui a posé l’assiette fumante et qu’il ne voulait pas attendre; dans ce cas, il ne voudra plus de ce qui l’a brûlé. Ou il n’aime pas la consistance ou l’absence de sel est – à juste titre – rédhibitoire.
Bref, après une pause relaxante où je me serai encore battu pour lui changer sa couche débordante (ses cousins du même âge sont tous déjà propres, merde !), lui laver les mains et je le remettrai entre les mains de sa nounou qui parle tellement mal le français qu’on ne se comprends souvent pas…
Ensuite, il sera temps de me reconnecter à ma mine virtuelle, casser des cailloux tous l’après-midi, reprendre le relai de la nounou à 18h30 pour gérer un enfant fatigué qui fait semblant de tomber, de ne pas tenir debout, hurle à 150 décibels plutôt que parler. Puis je dois le changer, lui faire sa toilette, le coucher – c’est moi le doudou ! – et retrouver ma liberté quand il dormira, quelque part entre 19h et 21h.
Sa mère rentrera entre 20h et 21h et voudra absolument me parler de ses élèves qui ne sont pas venus ou autre trivialités – pourquoi ne peut-elle pas simplement effacer de sa mémoire les informations qui ne sont plus utiles et n’ont aucun intérêt narratif ? – continuant à me parler alors que je serai déjà à l’autre bout de la maison… Puis, nous passerons notre soirée chacun de notre côté, avant de dormir avec deux heures de décalage dans des chambres séparées.
Qu’importe, je me lance. Pénible connexion, comme toujours, puis le verdict : >350 e-mails dans mon inbox. Ah ! Ca fait tellement plaisir d’être de retour ! Mais au moins, à ceux qui me taxerons de pessimiste, je pourrai opposer que mes prédictions s’avèrent généralement correctes.
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