C’était une journée assez ordinaire. Un soleil radieux nous baignait d’une douche chaleur printanière. En vacances en Allemagne avec mon fils, ma femme et la famille de son frère, tout se passait bien. Mon fils est un petit garçon de trois ans, des yeux noisettes avec un regard espiègle ou tragique selon son humeur, des cheveux châtain-clairs en bataille et beaucoup d’énergie quand il ne feint pas une fatigue extrême. Quadragénaire comme moi, mon épouse est professeur de piano, plutôt petite, des habits qui ont toujours une touche enfantine, des yeux noisettes et des cheveux bruns qui commencent à tirer sur le gris, une peau très claire avec quelques rides sur le visage. Nous nous étions relayés avec le beau-frère pour tirer mon fils et son cousin dans une charrette depuis la maison des grands-parents jusqu’au parc où se trouvait le Biergarten, pendant que leur cousine voyageait en pousse-pousse.
L’arrivée a été chaotique, mais rien de bien extraordinaire pour des familles avec enfants. Mon neveu de six ans qui court trop vite, se prend les pieds dans un bâton, tombe, saigne au coude et mon fils de trois ans qui se jette par terre, avec de grosses larmes, affamé et déshydraté, puisqu’à la fin, il n’aimait plus l’eau de ma bouteille…
Ensuite, vient l’épreuve de faire des files, choisir mets et boissons et ramener à table sa nourriture. Tout se passe bien, jusqu’au moment où j’arrive à table. Là, problème de place avec tous les plateaux, je ne sais pas ce qui se passe, mais le mien tangue et le contenu de ma choppe se déverse sur mon pantalon. Le repas s’annonce agité. Madame me ramène une nouvelle bière, ma belle-sœur me passe des serviettes, mon fils observe la serveuse qui nettoie table et chaise, puis tout le monde dévore gloutonnement ces grosses assiettes bavaroises.
La place de jeu n’est pas loin et les garçons vont s’amuser. Mon fils joue un peu, explore beaucoup. Sur la fin, je laisse mon épouse un peu plus loin avec mon fils et vais remplir ma bouteille d’eau, en passant devant ma belle-sœur et ses enfants. Quand je ressors des toilettes, le soleil est éblouissant. Je vacille presque, passe tout devant la colonne où je devrais voir le premier groupe et me dirige vers le lieu où j’avais laissé ma petite famille. Cependant, je ne les trouve pas tout de suite.
Je fais un tour. Ces Biergarten, littéralement des jardins à bière, sont immenses et bondés par beau temps, à la mesure de leur statut d’institution locale. Il y a des voix partout, des gens qui passent avec leur plateau, d’autres qui appellent quelqu’un et des enfants qui rient, crient ou pleurent. Dans cette agitation, je vois mon fils au loin, mais je ne reconnais pas la femme qui est en train de lui rattacher ses chaussures. L’enfant semble paisible et je m’approche donc tranquillement.
Elle lève la tête dans ma direction, me sourit et me dit « Ah ! Marcel ! ». L’enfant s’agite un peu : « Papa, papa ! ». Elle le maintient doucement mais fermement, le temps de rattacher le deuxième lacet puis se relève, me fait un grand sourire qui accentue sa beauté. Elle est grande; ses cheveux sont bruns et abondants, d’une couleur unie. Sa peau est légèrement bronzée, parfaitement lisse, avec quelques grains de beauté. Ses jeunes joues sont rebondies et elle me regarde de ses yeux bleus intenses et me fait un clin d’œil espiègle.
Là, son regard me perturbe, la situation me perturbe. Je leur demande s’ils ont vu les autres. Ma femme répond « quels autres ? ». Je regarde mon fils et dis « tu n’as pas vu tes cousins ? ». Il me sonde de ses grands yeux bleus interrogatifs et me dit : « Ben, ils sont en Suisse !? ». Puis, il me questionne « Papa, pourquoi ton pantalon il est tout mouillé ? » – « Ben c’est ma bière… ». Et Madame de demander, surprise : « Oh ! C’est arrivé quand ? Je n’ai absolument rien vu ! »
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