Comme tout le monde, je travaille pour l’argent. Oui on peut – et on devrait – trouver d’autres satisfactions dans un job, mais chez moi, c’est désormais exclusivement pour l’argent. Je travaille pour une boite réputée, mais ça ne me fait ni chaud ni froid. Ca reste d’ailleurs une compagnie d’assurance ! L’activité est absurde et il n’y a pas besoin d’être visionnaire pour le remarquer. Socialement, c’est un peu le désert. Trop de télétravail et un bureau désert ou peuplé de gens qui sont là pour montrer qu’ils bossent à fond.
Alors, pour tenir il y aurait bien d’autres choses. La vie privée est là pour ça. On pourrait se raccrocher à la fin de journée. Mais pour moi, elle commencera à 21-21h30, quand mon fils de trois ans s’endormira enfin. A moins qu’on compte mon tête-à-tête avec lui, entre 18h30 et 21h30, quand je le retrouverai épuisé, irascible et incapable de communiquer, après son après-midi avec la nounou et son fils.
Les week-ends ? Il ne faut pas compter sur madame, qui travaillera forcément, si je n’ai de mon côté des activités musicales bien encadrées. Quand ce n’est pas le cas, donc la plupart du temps, je ferai des activités ciblées pour un garçon qui a quatre décennies de moins que moi.
Les vacances ? Elle va partir seule avec notre fils chez ses parents en Allemagne et n’a aucune envie que je les rejoigne. Je suis en effet trop chiant : je ne veux pas qu’on mange dans ma voiture (avez-vous déjà observé l’état des lieux où un enfant vient de manger ?), qu’après avoir conduit tout du long (elle n’a pas le permis), entendu mon fils crier et vu Madame lui donner à manger des trucs qui collent ou font des miettes, j’ai selon elle immanquablement des mouvements de colère qui gâchent irrémédiablement ses vacances. En conséquence, au contraire des autres prolétaires, je ne peux pas, pour tenir le coup, me raccrocher à la pensée de bientôt partir en vacances.
Donc voilà, après avoir bien travaillé pour obtenir tout ce qu’il faut pour être heureux – situation professionnelle, belle voiture, grande maison, une bonne femme et un enfant – je reste le même en plus vieux que quand je vivais seul dans mon studio, désespéré par un travail nul, mon célibat éternel et ma solitude. Sur le long terme, ce sentiment de vie inutile, vaine, misérable et absurde reste constant.
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